L'Océanie, Roman

La baleine tatouée

Witi Ihimaera

Ce texte est un bonheur pur. Il convoque les contes et les grands mythes dont les récits ne lassent jamais. Il s’adresse à notre être profond, celui des origines, qui s’abandonne totalement à la magie des mots et des images qu’ils suscitent. Cette part profondément reliée au vivant, prompte à s’émerveiller et prête à chevaucher les grands cétacés dans l’océan primordial. Le temps n’est pas aussi linéaire qu’on l’imagine et la sagaie de celui qui connait le langage des baleines peut traverser un millénaire avant d’atteindre sa cible.

L’auteur

Présentation de l’auteur par son éditeur / Versatile et prolifique, premier romancier maori à être édité, Witi Ihimaera a publié douze romans, six recueils de nouvelles, écrit pour le théâtre et pour le cinéma, coproduit des films et documentaires, édité plusieurs livres sur les arts et la culture de Nouvelle-Zélande et enseigné à l’université d’Auckland. Il a reçu de nombreux prix prestigieux, dont le prix inaugural Star of Oceania de l’université d’Hawai’i en 2009, le prix de la Arts Foundation of New Zealand en 2009, le Toi Maori Maui Tiketike Award en 2010 et le Premio Ostana International Award décerné en Italie en 2010.

Source : Editions Au vent des îles



L’extrait

Tous ensemble, nous regardâmes l’ancêtre au moko sacré s’approcher de nous. Son groupe restait en retrait, émettant de longues vibrations sonores au mâle qui, sans lui prêter attention, s’échoua sur la plage en produisant un choc phénoménal, dont nous ressentîmes la secousse sismique. Nous observâmes craintivement la contraction de ses muscles alors qu’il se hissait toujours plus haut sur le sable. Puis, avec un soupir, il roula sur le flanc droit et s’apprêta à mourir.

Cinq ou six vieilles femelles quittèrent le banc pour se rapprocher du mâle. Par leurs chants, elles essayaient de l’encourager à revenir au large où l’attendait le reste du groupe. Mais il demeurait immobile.

Nous courûmes à la plage. Aucun d’entre nous n’était préparé à la taille phénoménale de la bête. Elle nous surplombait tous. Une force psychique primaire resplendissait dans les spirales de son moko. Avec ses vingt mètres de longueur, elle faisait écho à la dimension prodigieuse de notre passé.

Puis, bravant le vent et la pluie, Koro Apirana s’approcha d’elle :

– Ô être sacré, nous te saluons. Es-tu venu ici pour mourir ou pour vivre ?

Sa question resta sans réponse. Mais le tohorā dressa sa nageoire caudale géante, nous donnant l’impression qu’il plaçait cette décision entre nos mains.

Paru en France en 2022 aux éditions Au vent des îles

Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Mireille Vigol

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